*La certification qualité a été délivrée au titre des catégories d’actions suivantes :
actions de formation

Consultation à distance en Anesthésie obstétricale et pandémie Covid-19

Dan Benhamou. Service d’Anesthésie Réanimation Médecine Péri Opératoire AP-HP. Université Paris Saclay, Hôpital Bicêtre – dan.benhamou@aphp.fr

Estelle Morau. Département d’Anesthésie Réanimation, CHU Nimes – estelle.morau@hotmail.fr

Représentant le Club d’Anesthésie-Réanimation en Obstétrique (CARO) http://caro-club.univ-lyon1.fr/

 

La téléconsultation est inscrite dans le code de santé publique depuis 2010 (loi HSPT) et est donc « légale » depuis cette date (1). Sa mise en œuvre large incluant sa prise en charge par l’assurance maladie est régulée par l’avenant 6 publié en 2018 (2). Celui-ci prévoit la prise en charge des patients par l’assurance-maladie selon un parcours de soin défini (passant par le médecin traitant ou concernant des spécialités comme l’ophtalmologie, la gynécologie, la psychiatrie…dans le cadre d’un suivi [notion de patient connu]). La consultation  pré-anesthésique ne répondant pas à ces critères le risque était de conduire à un déremboursement de la consultation. Pour rappel une « téléconsultation » s’entend via un outil vidéo (contrairement à la télé-expertise qui correspond à la demande d’avis d’un autre médecin mais qui ne nécessite pas cet outil).

L’arrêté du 23 mars 2020 publié dans le cadre de la pandémie COVID, vient temporairement permettre de déroger à l’avenant 6 en permettant d’accéder pour toutes les spécialités (et pour les sages-femmes) à la facturation et au remboursement pour les patients exposés au COVID (3). Par extrapolation, les patients non suspects mais risquant d’être exposés au COVID en se rendant dans les établissements de santé peuvent se voir proposer une téléconsultation pour limiter les déplacements (4).

En quelques jours on a alors assisté à une forte mise en œuvre de la téléconsultation, en France, tant en médecine générale (5) qu’en milieu hospitalier (certains l’ayant déja déployé pour le suivi de patients chroniques).

Cette consultation à distance a été mise en œuvre (ou en cours de l’être) dans plusieurs maternités françaises, par discussion au sein du groupe de travail du CARO (en date du 17 mars 2020). Plusieurs projets de recherche clinique étaient déjà en préparation sur ce thème, notamment parce que la consultation d’anesthésie en obstétrique, mise en œuvre de façon obligatoire à l’occasion d’un décret publié en 1998, a généré un changement profond des organisations des équipes d’anesthésie obstétricale et un surcroît de travail qui semble souvent excessif, au regard du bénéfice obtenu chez des femmes enceintes souvent en bonne santé et chez lesquelles la consultation a le plus souvent un but (presque unique) d’information. Comme il ne semble pas envisageable d’arrêter la réalisation de ces consultations pour des raisons évidentes de réglementation, l’idée de réduire cette charge en soins par une consultation à distance a donc germé très vite dès le début de la crise sanitaire actuelle. Le rapport bénéfice/risque étant en effet jugé favorable, cette consultation à distance ne semble donc pas faire courir de perte de chance aux patientes. Cette impression reste tout de même à vérifier et un projet de recherche est actuellement en cours qui visera à définir les conséquences sur la prise en charge anesthésique de cette nouvelle modalité de consultation.

Outre le bénéfice pour les équipes d’anesthésie-réanimation, la réalisation d’une consultation à distance permet également de réduire les déplacements des femmes enceintes et d’éviter de les faire venir dans un environnement hospitalier plus à risque de contamination virale.

Le CARO a donc pris position et cette attitude a d’ailleurs été entérinée par la Haute Autorité de Santé dans le contexte des consultations en obstétrique pendant la période pandémique (4).

Au terme de 2 à 3 semaines d’expérience dans un nombre croissant de maternités, les premières impressions recueillies auprès des anesthésistes-réanimateurs ayant expérimenté cette nouvelle modalité sont très positives.

Le temps consacré à chaque consultation semble plus long que lors d’une consultation traditionnelle, la recherche d’information étant souvent un peu plus laborieuse, la communication n’étant pas toujours aussi aisée qu’en en face à face. La consultation à distance peut être précédée d’une lecture du dossier afin d’en extraire les informations pertinentes qui n’auront donc pas nécessairement vocation à être à nouveau recherchées avec la patiente.

Dès la mise en place, les équipes ont été tentées de réaliser ces consultations par vidéotransmission, considérant que la visualisation de la patiente à l’écran pourrait faciliter la relation soignant-patiente et l’obtention de certaines informations cliniques, telles que les conditions d’intubation. Actuellement cependant les difficultés techniques (nécessité d’un ordinateur équipé de webcam, complexité de la connexion et des logiciels d’utilisation, obligation pour la patiente de créer un compte…) conduisent au fait que l’immense majorité de ces consultations sont faites uniquement par téléphone, dans ce cadre dérogatoire. Les informations manquantes, notamment celles liées à l’examen cliniques doivent donc être recueillies lors de l’accouchement. Il est encore trop tôt pour savoir si le recueil retardé de ces informations aura une conséquence négative sur la prise en charge. Beaucoup en doutent, se basant notamment sur l’expérience d’autres pays, dans lesquels la consultation d’anesthésie obstétricale chez des femmes sans particularité médicale est réalisée au moment de l’entrée en salle d’accouchement sans que cela soit remis en cause.

L’enquête en cours actuellement cherchera à connaître plus précisément la perception des femmes vis à vis de cette modalité de consultation. Les patientes semblent très bien accepter cette façon de réaliser la consultation à distance. Il est cependant trop tôt pour connaître le vécu global des patients vis à vis de l’anesthésie, la majorité des femmes ayant jusqu’ici bénéficié de cette modalité de consultation n’ayant pas encore accouché.

La majorité des patientes disposent d’un smartphone lors de ces consultations à distance, permettant de leur envoyer un lien vers un site internet lié au CARO et qui permet aux patientes d’accéder à une quantité importante d’informations sur l’anesthésie obstétricale (https:// preanesthesie.fr).

Ne sont pas incluses dans cette consultation à distance les patientes qui nécessitent d’emblée une évaluation médicale complète selon l’algorithme accepté aujourd’hui (6). Le triage est fait par la sage-femme ou l’obstétricien en charge. Si une consultation présentielle est nécessaire, l’organisation tente de coupler la consultation obstétricale et anesthésique.

Il sera enfin nécessaire de mesurer la faisabilité technologique de ces consultations à distance, la fréquence des reports et des annulations, et leurs éventuelles conséquences.

  1. Loi HPST et décret télémédecine (Décret n°2010-1229 du 19 octobre 2010 relatif à la télémédecine).
  2. Avenant 6 au code de la santé publique https://www.ameli.fr/sites/default/files/Documents/451403/document/avenant_6_-_texte.pdf
  3. Arrété du 23 Mars https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/tableau-activites-autorisees-telesante.pdf
  4. https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2020-04/reponse_rapide_covid19_prenatal.pdf
  5. https://www.mediscoop.net/index.php?pageID=964a7f75dde8a21d229605c5977af564&id_newsletter=12927&liste=0&site_origine=revue_mediscoop&nuid=semrehdembdanben&midn=12927&from=newsletterhttps://sfar.org/propositions-concernant-la-prise-en-charge-dun-femme-suspecte-atteinte-de-covid-19-sars-cov2-pour-lanalgesie-de-accouchement/).